Entre clair et obscur – Jeux de nuances

 

Expositions

La Grenette – Galerie de la Ville de Sion

Du vendredi 17 avril au dimanche  28 juin 2015

Vernissage: vendredi 17 avril 2015, 18h

 

Galerie du Théâtre du Crochetan, Monthey 

Du vendredi 18 septembre au vendredi 27 novembre 2015

Vernissage: vendredi 18 septembre 2015, 18h

 

Commissaire: Julia Hountou

Critique d’art et commissaire d’expositions / Responsable de la Galerie du Crochetan

Docteur en Histoire de l’art / Pensionnaire à l’Académie de France à Rome 2009-2010

http://juliahountou.blogspot.com/

 

 

 

Afin de valoriser la collection du Nouvelliste, dont la principale caractéristique est d’être représentative de l’histoire de l’art valaisan, nous avons opté délibérément pour la sobriété en privilégiant des œuvres aux tons principalement noirs, gris et blancs. Déclinaisons infinies de cette fine et riche palette, ces œuvres questionnent chacune à leur manière la singularité du geste artistique. L’exposition comprend en effet des peintures, des estampes, des dessins, des sculptures…. toutes issues de la collection. Ainsi, les pratiques se rencontrent, se confrontent et se répondent, de la figuration à l’abstraction.

 

L’exposition exalte ces tonalités neutres ainsi que leurs multiples nuances, de la plus sombre à la plus claire, de la brillance à la matité, de la transparence à l’opacité, de la saturation à la translucidité, du lisse au texturé. Ces propriétés physiques sont indissociables des gestes spécifiques et significatifs du travail de chacun des artistes (étaler, racler, lisser, peigner, brosser, empâter, projeter, superposer, juxtaposer, essuyer, recouvrir, saturer, sculpter, graver…)

 

La capacité, le pouvoir du noir et du blanc à révéler la lumière dans leurs jeux de matières et de textures apparaît ici comme fascinante. Ces dernières, l’accrochant dans leurs aspérités, la donnent à voir dans tout son éclat, son brillant et son intensité.

 

Dans les œuvres où le support affleure, le noir a pour rôle de révéler la blancheur du papier ou de la toile. Et si les contrastes adviennent de savants clair-obscur, ils naissent parfois directement de la matière même travaillée dans son épaisseur. Ses nuances sont alors intimement liées à cette réflexion lumineuse qui soudain anime la surface jusqu’à créer la couleur.

 

De la figuration à l’abstraction

A travers leurs techniques respectives et leur regard propre, il s’agit de proposer un parcours dans l’univers singulier de chacun des artistes, des peintres valaisans « classiques » jusqu’aux talents contemporains.

 

Figuration en noir et blanc

Bien présente en Suisse, la figuration réunit notamment les œuvres de Daniel Bollin, de Gérard de Palézieux, d’Albert Chavaz, d’Uli Wirz ou de Walter Willisch. Peintre, graveur, dessinateur et aquarelliste, Gérard de Palézieux reste fidèle sa vie durant à la vallée du Rhône. Les sujets qu’il choisit de représenter privilégient l’immobilité et l’intimité : vallons sauvages, presque déserts, collines apaisées, maisons isolées, paysages d’hiver où prédominent les gris, les ocres et les bruns assourdis.

 

Dans un registre plus décalé, les œuvres de Walter Willisch, aux tonalités étonnamment sombres, évoquent un monde étrange, à la fois familier et incongru, nourri de souvenirs d’enfance et des petits riens de la vie quotidienne. À ses débuts, il s’inspire de la vie de ses ancêtres valaisans, puisant dans ses propres souvenirs et dans les contes et légendes populaires. Il présente ses personnages de façon stylisée dans leur tenue de tous les jours. Habillés tout en noir, les hommes portent le veston et le chapeau, tandis que les femmes sont en jupe longue, la tête coiffée d’un fichu.

 

Entre clarté et obscurité, mi-figuration et mi-abstraction

S’ouvrant sur des tableaux figuratifs, l’accrochage conduit ensuite le visiteur vers des œuvres mi-figuratives et mi-abstraites telles que celles d’Antonie Burger, Laurent Possa ou Alain Blanchet…

 

Pour représenter ce dialogue entre figuration et abstraction, Antonie Burger impose à sa palette une gamme restreinte de couleurs assourdies, déclinées dans les tonalités sobres, souvent rehaussées de noirs d’ébène profonds. Son éventail de gris, bruns ou noirs suffit, en peu de gestes, à définir la composition, souvent réduite à  un arbre, une ramure ou une fenêtre. Animant des fragments de corps, ses touches vibrantes atténuent l’aspect inquiétant de ses grandes silhouettes spectrales comme fondues dans la pénombre de décors fragmentaires.

 

Préférant quant à lui les découpages, Laurent Possa s’inscrit dans la tradition millénaire du pays d’en-haut (Suisse) dont la poésie tient sur une simple feuille de papier. Ses « tableaux de dentelle » minutieusement réalisés à l’aide de ciseaux ou d’un cutter privilégient le noir et blanc. Dans son univers, des femmes et des hommes à la nudité primitive sont entourés d’êtres fantastiques mi-humains, mi-animaux (poissons, serpents,  oiseaux, mutants…), ainsi que de symboles, lettres et éléments géométriques quasi archétypaux.

 

Si Albain Blanchet crée également en noir et blanc, il a choisi l’encre de Chine pour dépeindre un monde étrange qui allie rigueur et fantaisie. Ses dessins aux ombres dégradées exploitent le thème du cercle, du quadrilatère, ou se perdent dans de multiples enchevêtrements. Les boules aux surprenants aspects, les carrés formant la pierre angulaire de toute une structure ou les surfaces s’imbriquant les unes dans les autres constituent l’expression de l’équilibre qu’il porte en lui. Sa technique qui recourt aux traits et aux points enfante des paysages fantaisistes, admirablement architecturés.

 

A la suite de ces univers encore marqués par la figuration, le visiteur est amené vers des œuvres de plus en plus abstraites, reflétant l’évolution de notre société.

 

Vers une abstraction en noir et blanc

Les travaux notamment de Jean Scheurer, François Pont ou Gottfried Tritten s’apparentent à des abstractions en noir et blanc.

 

Né en 1923 dans le canton de Berne, Gottfried Tritten privilégie les oppositions noir/blanc et les monochromes. La confrontation entre éléments géométriques élaborés et souplesse rythmique de la matière compose son univers, au sein duquel cohabitent structure et matière, maîtrise et liberté.

 

Près d’une génération plus tard, le plasticien lausannois Jean Scheurer (né en 1942) ne cesse de mener des recherches sur le pouvoir de l’abstraction et le rôle de la couleur, notamment la gamme des gris. Ses monochromes questionnent l’espace selon un va-et-vient entre surface et profondeur.
Ainsi, ces œuvres nimbées d’un climat singulier (natures mortes, autoportraits, paysages…) explorent, à travers des techniques aussi diverses que le crayon, l’encre de Chine, le pastel ou la gouache, toutes les ressources du noir et du blanc.

 

Julia Hountou